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colté par les Haïtiens. Et quant à la somme retenue par le négociant, il l’employa en partie à la publication de quelques ouvrages qu’il rédigea sur la morale religieuse, expressément pour Haïti où il les expédia ; l’insurrection de la Grèce, que toute l’Europe assistait alors, profita de l’autre partie de cette somme, quelque minime qu’elle fût.

Voilà le vrai chrétien, le vrai prêtre qui disait à Boyer que « l’exemple doit en tout concorder avec les discours sur la morale évangélique ; » le vrai philanthrope, ami de tous les hommes, quelle que soit leur couleur ou leur contrée !

La lettre qu’il transmit au Président, de la part des Grecs résidant à Paris, était signée par quatre d’entre eux : A. Coray, un savant illustre, A. Vogoridi, C. Polychroniades et Ch. Clonares. Elle était éloquemment écrite, car ces hommes éprouvaient un vif désir de voir triompher leurs compatriotes soulevés contre l’oppression barbare des Turcs ; et de même qu’ils faisaient tout en Europe pour inspirer de l’intérêt en faveur de cette sainte cause, de même ils employèrent un langage propre à exciter celui des citoyens d’Haïti et de leur chef, en comparant le sort des Grecs vaincus depuis trois siècles, au sort des Africains et de leurs descendans, qui avaient gémi pendant une aussi longue période sous l’oppression du régime colonial. Ils concluaient à demander à Boyer 30 mille fusils et des moyens pécuniaires, soit à titre de don ou de prêt, et à le convier d’envoyer un bataillon des troupes haïtiennes, en désignant l’île d’Hydra comme le port sur lequel ces secours pourraient être dirigés.

Certes, Boyer n’était pas insensible aux malheurs éprouvés par les Grecs, ni indifférent au succès que tous les cœurs généreux leur désiraient dans leur lutte commencée