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Comme on peut le voir, la sollicitude de Grégoire pour Haïti ne se bornait pas à adresser à son chef des conseils utiles pour se tenir en garde contre les pièges que la politique du gouvernement français lui tendait sous le voile de la religion, mais à se prémunir aussi contre les empiétemens de la cour de Rome dont la condescendance envers « le Fils aîné de l’Église » avait motivé la mission de M. de Glory. Ce qu’il lui disait à l’égard des bulles, etc., émanés du chef de la catholicité, n’était que ce qui se pratiquait dans l’ancienne colonie en vertu des ordres des rois de France, que ce qui avait toujours eu lieu depuis des siècles en France même ; et il est clair que le gouvernement haïtien avait le même droit, de soumettre de tels actes à son examen et son approbation préalables : le résultat de la conduite de l’évêque vicaire apostolique venait d’ailleurs de le prouver[1].

Des personnes dont la disposition à se soumettre au joug papal revêt le caractère de l’orthodoxie, pourront blâmer les insinuations de Grégoire relativement à une sorte de constitution civile du clergé en Haïti, comme il en a été en France, en 1792. Mais, sans prétendre nous établir juge en cette matière épineuse et délicate, nous ferons seulement remarquer qu’elles étaient toutes naturelles de la part de l’auteur du livre sur les Libertés de l’Église gallicane, et qu’il se montra en cela conséquent à ses convictions. Toujours est-il que ses sentimens religieux et catholiques se manifestent dans sa lettre, et qu’aux yeux d’un Haïtien, il était plus digne d’être évêque que le prêtre-colon qui ac-

  1. À la page 56 du 7e volume de cet ouvrage, nous avons cité une loi du 18 mars 1807, rendue par H. Christophe et son conseil d’État, où il était dit : « qu’aucun acte du Pape ou de ses délégués ne pouvait avoir son effet sans le consentement préalable du généralassime. » Christophe eut raison, et le Président d’Haïti devait exercer le même droit.