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niers, pour se créer une phalange à sa dévotion et atteindre au but de sa mission[1].

D’un autre côté, si le Président avait maintenu à la cure du Port-au-Prince l’abbé Jérémie que le mandement de l’évêque accusait d’apostasie, d’avoir été excommunié et interdit par la cour de Rome, c’eût été un scandale dont l’autorité du gouvernement ne devait pas rester entachée. Ce prêtre fût resté lui-même odieux à la portion des paroissiens désignés sous le nom de Marionnettes le schisme religieux eût continué avec une nouvelle ardeur entre eux et les Gasparites.

Boyer prit donc le parti le plus sage que lui dictait la raison d’État. Il envoya le commandant de la place signifier à M. de Glory et à l’abbé Jérémie de sortir du presbytère pour quitter le pays le plus tôt possible. Cet officier eut ordre en même temps d’emmener avec lui une force armée pour contraindre Marionnettes et Gasparites à déguerpir du presbytère et de l’église, et à cesser leur scandaleuse émeute.

Les deux chefs ecclésiastiques eurent chacun la satisfaction d’être accompagnés par leurs partisans respectifs dans les logemens qu’ils, leur offrirent, en attendant leur départ sur des navires étrangers[2]. On disait, à cette époque, que l’évêque et l’abbé Jérémie, considérés comme des martyrs, selon les croyances de ceux qui leur étaient attachés, des femmes surtout, reçurent chacun une infinité de petits cadeaux en bijoux et en argent, pour subvenir aux frais de leur douloureux voyage. M. de Glory eut, en effet, le

  1. Haïti eût été peuplée de jésuites, de pères de la foi, de congréganistes, de missionnaires apostoliques, etc., qui auraient fait plus de tort à ce pays qu’ils n’en ont fait à la France elle-même.
  2. M. de Glory partit du Port-au-Prince, le 20 août.