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rent de calmer cette effervescence de la soldatesque ; plus on employait le raisonnement et la douceur avec les mutins, plus ils persévéraient à demander, à exiger que Romain fût débarqué et remis en liberté. Le Président donna l’ordre alors de diriger les troupes, infanterie, cavalerie et artillerie, sur les rues aboutissant à la Place-d’Armes, de manière à les envelopper et à les contraindre à mettre bas les armes, ou à les foudroyer sur les lieux, s’ils persistaient dans leur rébellion.

Mais se voyant environnés de toutes parts, et remarquant qu’un groupe de généraux et autres officiers de tous grades se tenait sous le pérystile du palais, ils pensèrent bien que le Président devait se trouver parmi eux ; et dans cette pensée, ils députèrent un grenadier sorti de leurs rangs, comme s’il allait auprès du chef de l’Etat porter la parole au nom de ces deux corps, mais avec l’intention de le tuer au moyen du fusil dont ce grenadier était armé. Ce rebelle ne connaissait pas le Président ; on l’avait laissé s’approcher du palais. Arrivé là, il demande à voir Boyer, qui s’avance vers lui et lui dit : « Voilà le Président d’Haïti ! Que demandez-vous ? » Le coupable eut l’air de lui « présenter l’arme, » par ce mouvement qui est le signe du respect de l’inférieur envers le supérieur ; mais c’était bien pour passer son fusil du bras gauche au bras droit, afin de le décharger à bout portant sur le Président, car il était armé et chargé. Des officiers ayant suivi Boyer dans son rapide et brusque mouvement vers le grenadier, arrêtèrent celui-ci avant qu’il n’eût le temps de faire feu, ou de se servir de la baïonnette. On constata immédiatement que le fusil était armé, amorcé et chargé à deux balles : l’intention criminelle se décelait par cet état de choses. Aussi, ce grenadier fut-il le premier livré au conseil de guerre, qui le condamna à mort : les deux officiers moteurs de la ré-