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donné naissance à un jeune peuple de la race noire, la France venait à faire à ce peuple une guerre injuste, eh bien ! encore on accepterait cette guerre comme une nécessité inévitable.

À ce sujet, on peut sans doute dire que, ces éventualités étant possibles, mieux eût valu que le gouvernement haïtien n’eût pas accepté l’ordonnance. Mais, par les citations que nous avons faites, il est démontré jusqu’à l’évidence, qu’avec le gouvernement de la Restauration, il n’y avait pas moyen d’obtenir autrement la consécration de l’indépendance nationale d’Haïti. Il est certain d’ailleurs qu’on ne s’attendait pas à ce qu’il eût brusqué ainsi le dénouement de cette affaire. Si l’on avait refusé l’ordonnance, la guerre eût été immédiate, car ce gouvernement s’était trop avancé pour reculer devant cette nécessité, bien que M. de Villèle eût dit à la chambre des députés qu’on allait seulement bloquer les ports d’Haïti[1].

D’un autre côté, le caractère impatient de Boyer ne lui permettait guère d’attendre plus longtemps la décision qu’il poursuivait depuis quatre ans. On a vu avec quel empressement il accorda à M. de Mackau l’audience que celui-ci sollicita de lui, après avoir rompu avec les commissaires. D’ailleurs, le Président devait, dans l’intérêt de son pays, envisager la position que lui avait faite dans le monde, la conduite de la Grande-Bretagne, — nous omettons celle des États-Unis, — qui, en 1823, avait reconnu l’indépendance des Républiques formées dans les colonies espagnoles, en dédaignant de reconnaître aussi celle d’Haïti, en l’abandonnant, pour ainsi dire, à la discrétion de la France. En outre, Boyer ne pouvait se faire

  1. Dans la séance du 9 mars 1826.