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le matin, les généraux du Nord étaient réunis au palais de la présidence ; ils le dénoncèrent comme étant le moteur et le chef de la faction qui venait de troubler l’ordre public dans l’Artibonite et le Nord. En présence de toutes ces dénonciations et de celles que les accusés, jugés, et leurs complices avaient déjà articulées contre Romain, tout autre chef d’État que Boyer l’eût fait livrer au jugement d’un conseil spécial, et il eût été condamné à mort. Mais le Président aima mieux employer la modération, inspirée par son cœur encore plus que par sa raison : il décida que Romain serait envoyé à Léogane afin d’y avoir la ville pour prison, en compagnie de sa femme et de ses enfans. Boyer espérait que l’exemple de la conduite patriotique du brave général Gédéon, commandant de cet arrondissement, agirait sur son esprit et le convertirait. Il n’avait affaire qu’à un cœur profondément orgueilleux et méchant !

Romain avait été amené au palais, où il entendit les accusations portées contre lui ; ses seules paroles au Président furent : « Faites de moi ce que vous voudrez : je suis prêt à mourir[1]. » Boyer le fit conduire par tous les généraux et une escorte d’infanterie et de cavalerie, sur le quai du Cap-Haïtien où un canot le reçut et le porta avec sa famille, à bord du garde-côtes la Franchise.

Aussitôt, les soldats des 1er et 2e régimens d’infanterie, excités par deux de leurs officiers, s’agitèrent dans la ville : malgré les autres et leurs colonels, ils osèrent battre la générale pour se réunir en armes sur la place, en face du palais et de l’église. Ce sinistre mit également sous les armes la garde du Président et toutes les troupes de la garnison. En vain les généraux Magny et Nord Alexis essayè-

  1. Mémoires de B, Inginac. p, 56.