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manifester un juste mécontentement, non en paroles, mais par l’air sévère qu’il mit dès lors dans ses rapports avec lui. Homme d’honneur, officier plein de mérite, Bédart comprit que ces écarts de sa raison devaient lui avoir fait perdre aussi l’estime profonde que lui portaient les officiers et les soldats de la garde : il s’en désespéra[1].

Parti de Saint-Marc le 9 avril, le Président gracia le fils de Cazimir Noël, qui vint le trouver aux Gonaïves. Dans cette ville, et ensuite à Énnery, à Plaisance et au Limbe, il entretint les citoyens sur les devoirs qu’ils avaient à remplir envers la patrie, si heureusement délivrée de la tyrannie. Enfin, le 15, il entra au Cap-Haïtien après avoir reçu, au Morne-Rouge, le général Magny et les autres officiers de tous grades venus au-devant de lui. Outre les gardes à pied et à cheval, il emmenait plusieurs régimens d’infanterie sous les ordres des généraux Marion et Bruny Leblanc.

Le général Romain étant toujours aux arrêts dans sa propre maison, mais entouré d’affidés, le Président voulut user des moyens de persuasion envers lui, pour le porter, sinon à faire des aveux, du moins à reconnaître qu’il devait se soumettre humblement aux lois de la République. Dans ce louable but, et pendant la soirée du 15, il envoya le général Inginac, secrétaire général, auprès de lui[2]. Mais Romain était loin de croire à son impuissance : l’orgueil dont il était dévoré lui fit repousser tous les conseils qu’Inginac put lui donner en cette circonstance.

Le 16, il fallait prendre une résolution à son égard. Dès

  1. Le chef de bataillon Heurteloux, plein de capacité et de qualités militaires, remplaça Bédart dans le commandement de la garde à pied.
  2. Inginac, n’étant que colonel, n’avait pas un grade militaire assez élevé pour le rang qu’il occupait dans le gouvernement, à cette époque où Christophe avait laissé tant de généraux dans son ci-devant royaume ; le Président le promut au généralat, en janvier 1821. Voyez la page 54 des Mémoires d’Inginac, au sujet de cette mission.