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officiers des troupes de la garnison. Les commerçans nationaux et étrangers y furent conviés, ainsi que les citoyens notables de la capitale. De nombreux toasts furent portés à ce banquet : — Au Roi Charles X, au Dauphin de France, au Président et à la République d’Haïti, à l’Indépendance, au Sénat, à la Chambre des communes, etc. Le brave amiral Grivel proposa celui-ci : « À la mémoire de l’illustre Pétion ! Les Haïtiens ne doivent jamais oublier que le courage et la sagesse de ce grand homme ont préparé l’heureuse journée que nous fêtons. » Ce toast, porté avec l’accent de l’estime et de la conviction, fut accueilli avec un chaleureux enthousiasme par tous les Haïtiens : ils surent gré au vaillant officier qui rendait à Pétion cet hommage d’admiration qu’il méritait si bien[1].

Malheureusement, le sénateur Rouanez en porta un qui ne pouvait être agréé avec autant de plaisir par tous les Français réunis à la même table. Il dit : « Au vénérable Henri Grégoire, le constant ami des Haïtiens et de tous les hommes de la race noire ! » La position officielle de M. de Mackau et des amiraux Grivel et Jurien ne leur permettait pas de concourir à ce toast ; ils posèrent leurs verres sur la table, avec un sentiment visible d’improbation ; et, à leur exemple, les autres officiers de marine en firent autant, car Grégoire était en opposition pour toujours à la branche aînée des Bourbons, soit par rapport à sa conduite dans la Convention nationale, soit comme ancien évêque de Blois, nommé en vertu de la constitution civile du clergé de France.

Mais, si les officiers français n’accueillirent point ce

  1. À chaque toast, on tirait une salve avec des pièces de campagne placées dans la rue Républicaine. Sur chaque bouteille de vin, on avait rais au bouchon, alternativement, un petit drapeau haïtien et celui de la France qui était tout blanc.