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mystère auquel la population de la capitale n’était pas habituée, d’après la manière dont Pétion avait agi envers les agents, de la France qui étaient venus de son temps ; la réunion des sénateurs et des fonctionnaires qui eut lieu dans l’après-midi du 7, et d’où sortirent des demi-confidences faites aux uns et aux autres sur le contexte présumé de l’acte qu’on allait accepter, parce qu’ils l’ignoraient eux-mêmes ; le nouvel entretien qu’eut le Président avec M. de Mackau, dans la soirée du 7, et l’accord entre eux que prouvait la publication du premier programme : tout contribuait à faire naître une vague inquiétude sur les conséquences finales de cette affaire, et à préparer les esprits ardens à une exaltation fondée sur les susceptibilités nationales. Mais ce fut autre chose, quand on vit paraître les navires de la flotte, quand on entendit publier, le supplément au programme, considéré comme une exigence des amiraux afin de participer à la cérémonie et aux fêtes avec leurs officiers. On se sentit, on se crut humilié par la présence de cette force maritime ; l’honneur et la dignité de la nation parurent atteints, tandis qu’au fait, ces navires de guerre venaient saluer avec plus d’éclat le pavillon haïtien ; et l’on ne fut que trop disposé, malheureusement, à tout imputer à Boyer, à penser qu’il avait sacrifié cet honneur et cette dignité par la crainte de la guerre qui aurait pu survenir de son refus absolu d’accepter l’ordonnance de Charles X. Il n’y eut point, sans doute, une explosion ouverte de ces sentimens ; mais, ce qui est pire, un mécontentement concentré qui, de la capitale, devait se répandre dans toute la République et produire bientôt de fâcheux effets[1].

  1. Si M. Esmangart avait pu dire au général J. Boyé que la reconnaissance de l’indépendance d’Haïti, telle’qu’il la proposait, serait une humiliation pour le roi de France,