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haïtien était digne de son estime et méritait qu’une reconnaissance formelle de son indépendance consacrât ses droits et la position qu’il avait prise parmi les nations ; de l’admission, dans ses ports, des bâtimens et du commerce français depuis dix ans ; de la sécurité que les Français y ont constamment trouvée pour leurs personnes et leurs propriétés.

Et tout cela, pour aboutir à quoi ? À une ordonnance ambiguë dans ses termes, pouvant offrir diverses interprétations destructives de l’indépendance pleine et entière qu’elle semblait accorder, stipulant une indemnité dont la somme était au-dessus des ressources du peuple haïtien, et supérieure à celle dont naguère on était convenu de part et d’autre, quoiqu’elle fût déjà énorme[1].

Enfin, Boyer conclut à dire à M. de Mackau que, par ces différens motifs, il ne pouvait pas accepter une ordonnance aussi contraire à celle qu’il avait espérée de la part du Roi de France.

Tel est le sens des paroles prononcées par Boyer, et des argumens qu’il employa à cette occasion. Je les garantis d’après ce que j’ai lu, sans pouvoir reproduire les propres termes dont il se servit pour manifester son opinion sur l’ordonnance du 17 avril.

  1. M. Esmangart avait refusé 80 millions offerts par MM. Larose et Rouanez, et s’il consentit ensuite au chiffre de 100 millions, c’est que le gouvernement français espérait qu’ils auraient accepté l’ordonnance préparée alors, avec un article ainsi conçu : « L’Etat d’Haïti ne pourra entrer pour aucune raison que ce soit dans une alliance offensive ou défensive contre la France ; il ne pourra se placer sous aucune autre protection que celle de la France, qui lui restera offerte, mais ne lui sera pas imposée. Il pourra, hors ces deux cas, conclure tels traités d’amitié, d’alliance et de commerce qui lui paraîtraient convenables. » — M. Lepelletier de Saint-Rémy, tome 2, pages 40 à 46. Mais les envoyés haïtiens rapportèrent au Président que M. de Clermont-Tonnerre leur avait positivement dit que la France se réservait la souveraineté extérieure sur Haïti. La rédaction de cet article prêtait en effet à cette interprétation ; toujours de l’ambiguïté !