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excitèrent les sociétés, à l’envi les unes des autres, à débarrasser le sol américain et principalement ces villes, de toute cette population colorée qui y végète dans l’abjection des plus sales métiers, tandis que le but essentiel de l’émigration devait être d’envoyer à Haïti le plus d’agriculteurs possible et ensuite des artisans utiles.

Ne pouvant concentrer dans un seul port le départ des émigrans pour y veiller lui-même, Granville était bien forcé de s’en remettre au concours des agents des sociétés de colonisation qui lui firent leurs offres ; de là l’impossibilité pour lui de contrôler l’envoi des émigrans et surtout les dépenses que ces expéditions occasionnaient aux États-Unis et devaient nécessiter aussi à Haïti.

Or, c’était la partie la plus délicate de sa mission, avec un chef du caractère de Boyer. Ensuite, dans l’empressement mis dans tous les ports des États du Nord de l’Union, à faire partir le plus d’émigrans possible, l’agent haïtien’pouvait-il s’en reposer sur ses collaborateurs, pour faire souscrire par écrit, à chacun de ces hommes, un egagement par-devant une autorité civile, qu’ils devaient renouveler de la même manière à Haïti, surtout par ceux qui seraient tenus à rembourser à la République les sommes qu’elle aurait avancées pour leur passage et leur nourriture ?

Dès qu’il débarqua à New-York, Granville se vit entouré dans les rues de la plèbe de couleur qui le suivait partout en lui adressant des speeches ; ce qui l’obligeait à des allocutions continuelles. Il en fut de même dans les autres villes.

Les malveillans, parmi les Américains, se saisirent de ce que ces scènes présentaient de ridicule à leurs yeux ; ils en firent des articles de journaux qui irritèrent l’agent haïtien par l’acrimonie que ces articles respiraient contre la race