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que la côte d’Afrique parut à ces philanthropes ce qui était le plus convenable à leur projet : de là le choix fait du lieu désigné depuis sous le nom de Libéria, situé dans la Guinée septentrionale, sur la Côte-des-Dents, à l’est du cap Mesurado et à 6° 15’ lattitude Nord. Mais, si un sentiment de commisération inspira cette pensée, pour soustraire les noirs et mulâtres libres des États-Unis aux vexations des blancs, l’égoïsme américain ne tarda pas à la saisir aussi avec plus d’ardeur et en manifestant pour ses victimes les plus odieux instincts ; car, tandis que les philanthropes ne songeaient qu’à employer la persuasion auprès de ces infortunés pour les déterminer à adopter ce plan, les partisans de l’esclavage et des préjugés ne voulaient user que de la violence pour les contraindre à sortir de leur pays natal. Les journaux des Etats-Unis retentirent alors de publications en sens contraire, selon les idées et les sentimens de leurs auteurs ; des sociétés se formèrent dans chaque grande ville d’où les émigrans pourraient partir pour se rendre en Afrique.

La connaissance acquise en Haïti de toutes ces choses, émut profondément un jeune homme qui habitait le Port-au-Prince depuis 1818, — M. Silvain Simonisse, — dont les sympathies étaient fort naturelles pour les malheureux qu’on voulait éloigner ou expulser des États-Unis. Mulâtre, né dans la Caroline du Sud, d’un père blanc qui avait des sentimens libéraux, il avait été envoyé dans son bas-âge, ainsi que ses deux frères, en Angleterre où il reçut une bonne éducation. De retour dans son pays natal, à vingt ans, l’instruction qu’il avait reçue en Europe s’opposait à ce qu’il y endurât les vexations auxquelles les hommes libres de sa classe sont assujettis, et il avait pris la résolution de venir se fixer à Haïti, de l’adopter pour sa patrie en vertu