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priétés. Et du moment qu’Haïti offrait une indemnité, consentait à la payer, en faveur de ces colons et par respect pour la propriété, les prétentions du gouvernement français devaient encore s’arrêter en présence de cette transaction, qu’il eût pu certainement poser comme une condition de la reconnaissance de notre indépendance, si nous ne l’avions pas spontanément proposée nous-mêmes[1]. Mais cette indemnité ne pouvait jamais être le prix de la reconnaissance du fait résultant d’un droit sacré ; car les Haïtiens possédaient, en leur qualité d’hommes libres, égaux à tous les autres, le droit de se gouverner par eux-mêmes et de repousser les prétentions de la France et de ses gouvernemens à ce sujet[2].

Le 2e article des instructions de Boyer mérite une nouvelle observation, en ce qu’il fit offrir au gouvernement français, de payer l’indemnité à Haïti, en espèces métalliques ou en denrées du pays et en cinq termes égaux : il y avait impossibilité de remplir de semblables engagemens. Le Président lui-même reconnut, peu après, que par le 3e il faisait offrir au gouvernement français, d’admettre les marchandises ou productions de la France sur le même pied que celles des nations les plus favorisées, il aurait diminué excessivement les revenus du fisc à l’importation, puis qu’alors les produits français eussent joui de la même faveur que celle accordée depuis 1814 aux produits de la Grande-Bretagne. Aussi, dans la session législative de 1825, il proposa la nouvelle loi sur les douanes qui fut rendue et qui

  1. Voyez la lettre de Pétion à D. Lavaysse, du 27 novembre 1814, au tome 8 de cet ouvrage, pages 96 et 97.
  2. En 1838, je fus présenté à M. Dupin aîné, alors président de la chambre des députés. Il m’exprima sa satisfaction personnelle de la conclusion des traités entre la France et Haïti, et il ajouta : « En payant une indemnité pour les biens des anciens colons, les Haïtiens ont fait un acte de haute moralité ; mais ils auraient eu tort de payer quoi que ce soit pour la reconnaissance de leur indépendance, parce qu’on ne doit pas marchander la liberté des peuples. » — One peut-on opposer à de si nobles paroles ?