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qui eût émané de Sa Majesté Très-Chrétienne. » Il lui répugnait apparemment de dire, ce qui était vrai cependant, ce qu’avait proposé Pétion à D. Lavaysse : — que cette indemnité était consentie en faveur des anciens colons, pour leurs propriétés immobilières confisquées par suite de leur expulsion d’Haïti. Car Haïti ne pouvait, ne devait pas donner « une indemnité pour un acte de philanthropie et de bienveillance ; » cela n’avait aucun sens raisonnable. En outre, la reconnaissance de son indépendance souveraine, dérivait nécessairement du droit naturel des Haïtiens à conquérir leur liberté civile et politique, droit que la France elle-même avait déjà reconnu et proclamé, le 4 avril 1792 et le 4 février 1794, par ses décrets « sur l’égalité civile et politique et sur la liberté générale[1]. »

Parler de l’indemnité comme une sorte de prix de la reconnaissance de notre indépendance, tandis qu’elle n’était qu’une clause accessoire de cet acte, c’était presque méconnaître les droits que nous tenons de Dieu, en notre qualité d’hommes égaux à tous les blancs du monde[2].

Cette interprétation de la malheureuse pensée de Boyer devient encore plus juste, selon nous, quand on le voit dire ensuite que : « Ce sacrifice n’a d’autre but, d’autre fin, que de manifester, d’une manière éclatante, la satisfaction des Haïtiens d’avoir obtenu de S. M. T.-C, par un acte

  1. Que nous importait la loi réactionnaire du 30 mai 1802, qui rétablit la traite et l’esclavage ? La France avait reconnu que nous étions des hommes égaux à tous autres ; elle ne pouvait plus revenir sur cette déclaration de droits, que nous tenions de Dieu et non pas d’elle.
  2. Plusieurs années après l’acceptation de l’ordonnance de 1825 et jusqu’aux traités de 1838, j’ai entendu le président Boyer raisonner bien des fois sur la dette contractée envers la France, comme si elle était le prix de la reconnaissance de notre indépendance ; il m’a semblé qu’il tenait ce raisonnement, toujours dans l’espoir d’une réduction de la dette. La France pouvait la réduire, puisqu’elle stipula pour les colons et que l’ordonnance de 1825 avait fixé un chiffre supérieur à celui qui fut convenu en 1824, comme on le verra bientôt.