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du gouvernement français. Cet interprète des sentimens du préfet de la Manche parvint au Hâvre à la fin de mars, avec l’espoir que ce négociateur y arriverait immédiatement après lui, et il l’avait communiqué au préfet en allant le voir à Saint-Lô. Mais la vivacité française n’avait encore aucune idée de ce que peut la lenteur haïtienne ; aussi, M. Laujon, animé d’une ardeur juvénile, malgré ses 70 ans, se désolait-il au Hâvre, où il était resté dans une vaine attente, en y voyant arriver successivement quatre navires sans le négociateur du Président d’Haïti. Son impatience et son étonnement se traduisirent dans une dizaine de lettres qu’il adressa au Président par divers autres navires partis de ce port pour Haïti. Il lui envoya la copie d’une missive qu’il reçut de M. Esmangart, datée de Paris le 4 mai, lequel le relevait du poste où il l’avait placé : ce préfet y exprimait son déplaisir de la défiance que Boyer semblait montrer en cette occasion, ce qui, disait-il, mécontentait et blessait le gouvernement français.

Passant de la préfecture de la Manche à celle du Bas-Rhin, M. Esmangart se rendait à Strasbourg, et il chargea le commissaire de marine du Hâvre de recevoir l’envoyé haïtien, s’il y arrivait, et de le faire accompagner à Saint-Germain-en-Laye, parce que le gouvernement du Roi voulait le soustraire, durant la négociation, aux influences qu’il redoutait de la part des libéraux de Paris, dont plusieurs avaient entretenu une correspondance avec Boyer. On se fondait, à cet égard, sur la faculté qu’avait eue le général J. Boyé de négocier dans tout autre pays que la France.

Mais, pendant qu’on y prenait d’avance ces précautions, le Julius Thalès voguait paisiblement avec MM. Larose et