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En statuant ensuite sur les propriétés urbaines des particuliers, leurs titres établissant leurs droits, la loi se borna à ordonner l’extinction des majorats et chapellenies dont elles étaient grevées, par attermoiement entre les parties. Mais à l’égard des propriétés rurales de ces particuliers, la loi contenait des dispositions qui lésaient leurs droits, parce que le gouvernement ignorait encore quelle était leur vraie nature ; et ce, à raison de la constitution de ces propriétés destinées à l’éducation des bestiaux, par la faiblesse numérique de la population de l’Est, depuis que la fondation des nouvelles colonies espagnoles, sur le continent de l’Amérique, eut fait déserter l’ile d’Haïti.

À l’origine de l’établissement de celle-ci, le gouvernement d’Espagne avait « concédé en toute propriété » des terres aux officiers de tous rangs et à des particuliers qui s’y fixèrent, pour eux et leurs, descendans. On sait que les malheureux Aborigènes furent distribués aussi à ces conquérans, soit pour la fouille des mines d’or, soit pour la culture, et qu’ensuite, au moyen de la traite, les Indiens furent remplacés par les Noirs non moins infortunés. Plus tard, un tribunal spécial, connu sous le nom de Juzgado de Realengos, fut chargé de délivrer « des concessions de terre » ou d’en « vendre, » dans les parties de la colonie non occupées. Comme ces propriétés étaient très-étendues et qu’il n’y avait pas moyen de les arpenter, on leur donnait des bornes ou lignes de démarcation, à partir de tels ravins à tels autres, de telles rivières ou autres cours d’eau à telles autres, ou à des monticules, des montagnes, etc. D’ailleurs, l’arpentage exact de ces terrains, « concédés ou vendus, » devenait inutile, puisqu’il s’agissait, non de cultiver, mais d’y élever des bestiaux qui paissaient alors en commun dans les prairies ou savanes : aussi bien, les propiétaires étaient