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part de ce jeune peuple, qui croyait son indépendance nationale menacée et qui s’apprêtait à la défendre jusqu’à extinction.

Ce fut dans ces circonstances que, quelques jours après la proclamation du Président d’Haïti, le 17 janvier, M. Laujon arriva au Port-au-Prince avec les lettres que lui adressa M. Esmangart, pour l’engager à envoyer en France des agents dont la mission serait de traiter de la reconnaissance de l’indépendance, d’après les bases proposées par Boyer lui-même, en 1821, lors de la mission de M. Dupetit-Thouars, c’est-à-dire « en payant une indemnité raisonnablement calculée. » M. Laujon, intermédiaire pacifique d’une négociation provoquée par l’ancien commissaire de 1816, ne pouvait en croire ni ses yeux ni ses oreilles, de tout ce qu’il voyait et entendait dans la capitale ; il s’attacha à aller de maison en maison auprès des personnes de sa connaissance, pour les rassurer sur les intentions du gouvernement français à l’égard d’Haïti. Ce n’est pas à dire, cependant, que les anciens colons n’eussent été satisfaits de voir la France diriger une expédition contre elle ; les succès que son armée venait d’obtenir en Espagne, dans l’année 1823, ravivaient leur espoir et leur désir à ce sujet ; et leurs pétitions incessantes adressées aux chambres législatives, jointes à des informations particulières que reçut Boyer sur la fin de cette année, avaient contribué à l’émission des actes dont nous venons de parler. C’est ce qu’il dit à M. Esmangart, dans sa lettre du 4 février, en réponse aux siennes, et qui fut confiée à M. Laujon, lequel se décida à retourner de suite en France, à raison de la situation où il avait trouvé la République. Le Président promit d’y envoyer un négociateur, en disant à M. Esmangart : « J’aime à vous le répéter, Monsieur le Préfet, je suis toujours dans les