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auprès du gouvernement français un ou plusieurs agents pour faire des ouvertures sur l’affaire de l’indépendance, attendu que ce gouvernement avait déjà envoyé lui-même des missions qui avaient été infructueuses. Le Président promit, en effet, à M. Liot que le désir du ministre français serait satisfait[1].

Mais, presque convaincu que sa démarche n’aboutirait point, il ne se pressa pas de la faire. Jugeant, du reste, qu’il pourrait la confier en toute sûreté au général J. Boyé, dont les sentimens élevés et l’esprit de justice lui étaient connus depuis si longtemps, il attendit que ce général eût séjourné quelques mois à Haïti pour le charger de cette mission importante. Le 5 mai suivant, Boyer lui donna ses pleins pouvoirs et ses instructions, à l’effet de proposer au gouvernement français « la conclusion d’un traité de commerce entre la France et Haïti, qui devrait avoir pour base la reconnaissance de l’indépendance nationale. »

Il n’était pas question d’indemnité, cette fois, 1o parce que, lors de la mission de MM. de Fontanges et Esmangart, en 1816, ces commissaires avaient écarté cette offre faite par Pétion, pour proposer eux-mêmes une sorte de « souveraineté constitutionnelle » en faveur de la France ; 2o parce que, depuis la mission secrète de M. A. Dupetit-Thouars, en 1821, où Boyer avait proposé l’indemnité de nouveau, le gouvernement français semblait ne pas en agréer l’idée, puisqu’il avait gardé le silence à ce sujet.

  1. Cet agent partit du Port-au-Prince, le 8 février. Le ministre français l’avait chargé de dire à Boyer que, Placide Louverture ayant voulu aller à Haïti, il s’y était opposé, dans la pensée que le Président ne verrait pas avec plaisir que l’un des fils de Toussaint Louverture y retournât ; et, dans son rapport au ministre, M, Liot lui fit savoir que Boyer serait non-seulement satisfait du retour de ce jeune homme dans sa patrie, mais qu’il avait chargé Mme. Isaac Louverture de dire à son mari, que s’il voulait aussi y revenir, il l’accueillerait. On ne saurait trop louer ces dispositions bienveillantes de la part du Président ; les fils de Toussaint Louverture n’en profitèrent point, probablement par ce veto du ministre français.