Page:Ardouin - Étude sur l’histoire d’Haïti, tome 9.djvu/200

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Instruit de ce pamphlet, le peuple se porta en foule de toutepart, arrêta et conduisit dans les prisons les citoyens Béranger, Laborde, Saint-Laurent, Saint-Martin, représentans, simultanément avec les citoyens Pierre André, juge au tribunal de cassation[1], et Noël Piron, doyen du tribunal civil de cette ville. Les diverses attributions de ces personnes, accusées cumulativement par le peuple, nous ont portés à croire que l’arrestation des quatre représentans sus-mentionnés devait être l’effet de quelques motifs particuliers[2]. La voix publique les a signalés comme des citoyens dont les lumières ne se tournent que vers l’innovation et en opposition avec la marche déjà établie et consacrée par nos institutions… Compatriotes, exempte de tout blâme, la Chambre des communes doit l’être aussi de tout soupçon, et dès lors que quelques-uns de ses membres sont accusés par l’opinion bien manifestée par le peuple, ils doivent n’être plus admis dans son sein… »

Si la Chambre se disait « exempte de tout blâme et de tout soupçon, » le Sénat, dans son « adresse au peuple, » datée du 31 août, déclarait le contraire ; en voici un extrait :

« Citoyens, — Le Président d’Haïti, par sa proclamation du 19 de ce mois, vous a rappelé les calamités qui vous ont affligés pendant de longues années. Ce chef infatigable venait d’y mettre un terme, et il ne cesse, par ses veilles et sa sollicitude, d’assurer votre bonheur et de préparer un avenir heureux à vos neveux… Mais un homme dont on connaît à peine le pays ; un homme que le gouverne-

  1. Il paraît qu’après avoir renoncé à cette charge de juge pour rester représentant, et que renonçant ensuite à cette dernière jour rester directeur de l’école nationale primaire, Pierre André aura repris sa qualité de juge qui n’était pas incompatible avec cette direction ; autrement, on ne comprendrait pas qu’il ait été ainsi qualifié dans l’adresse de la Chambre.
  2. Cette phrase est remarquable, à cause même des circonstances où elle a été publiée.