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et Dugué, notaire du gouvernement, subirent le même sort.[1]

Ces arrestations en plein jour n’avaient pu s’opérer sans agitation, sans qu’une grande foule suivît les officièrs de là la part attribuée au peuple dans cette mesure toute gouvernementale ; aussi eut-elle lieu avec le plus grand ordre, si l’on peut s’exprimer ainsi.

Si l’on se livre à une investigation, pour trouver les causes de l’arrestation de chacune des personnes dénommées ci-dessus, on pourra dire : — que F. Darfour ne pouvait y échapper, par son audace même à présenter sa coupable pétition ; — que J.-B. Béranger y était désigné, par ses relations intimes avec le pétitionnaire, par son caractère atrabilaire qui le portait à censurer publiquement les actes du Président, qui lui fit croire qu’à la Chambre il pouvait en provoquer le redressement, même violemment ; — que Saint-Laurent, connu par son esprit d’intrigues, affichait aussi des prétentions de régenter le gouvernement ; — que Saint-Martin, distingué entre tous par une loquacité impitoyable pour ses auditeurs, paya ainsi son fameux discours prononcé à la session de 1821 ; — que Laborde subit ce désagrément pour avoir renoncé à sa qualité militaire en faveur de la députation, ce qui fit sans doute supposer qu’il avait de grandes vues dans ses fonctions législatives, et d’autant plus, qu’antérieurement, quand il défendait la cause de militaires ou autres accusés par-devant les tribunaux, il signalait souvent des infractions de formes légales de la part

  1. Sachant qu’on le cherchait pour l’arrêter, Dugué s’était réfugié chez un ami. Apprenant cela, le colonel Victor Poll vint dans la soirée devant la maison où il se tenait, et dit à haute voix : « Je sais où ast le F. Dugué, et je l’invite à se rendre en prison, sans crainte ; car il ne court aucun danger. » Et Dugué y fut accompagné par son ami. Les égards que le colonel eut pour lui étaient dictés par ses sentimens de fraternité maçonnique, étant tous deux de la même loge.