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constance, pour ne pas effaroucher Kindelan. Le texte de l’art. 5 de notre constitution parlait « des États ou des îles étrangères. » Le territoire de l’Est d’Haïti, bien que rétrocédé par la France à l’Espagne, ne constituait ni un État ni une île étrangère, il était tout au plus une colonie, et ce mot ne se trouvait pas dans cet article. D’ailleurs, l’art. 40 renouvela les dispositions des constitutions antérieures qui comprenaient dans le territoire de la République, « toute l’île d’Haïti et les îles adjacentes qui en dépendent. » En niant que Désir Dalmassy eût été chargé d’une mission, le Président fit bien de défendre l’honneur de ce brave officier, qualifié de séducteur par Kindelan, qui ne voulut pas, sans doute, employer le terme d'émissaire. Enfin, Boyer lui donnait suffisamment à entendre qu’il ne dépendait que de lui de pénétrer dans l’Est à la tête d’une armée, et ce, sur les propositions qu’il avait reçues des habitans eux-mêmes, mais qu’il ne le ferait qu’à titre de pacificateur. C’était fixer ses intentions par rapport à ceux qui, à Santo-Domingo même, sous les yeux du gouverneur, travaillaient en vue de la réunion.

Et le gouverneur entra dans cette pensée sans le vouloir. Quoi qu’il disait dans sa dépêche, au sujet des mesures énergiques qu’il pourrait prendre à l’égard de la République, il savait bien qu’il n’avait point de troupes à opposer à notre vaillante et nombreuse armée ; et il connaissait trop, sans doute, l’agitation des esprits dans l’Est, pour ne pas prévoir des défections parmi les populations, s’il prenait une attitude hostile, telle, par exemple, que d’interdire toutes relations de commerce avec les Haïtiens. Dans sa situation, il se borna à publier une proclamation, le 10 janvier, adressée « aux fidèles Dominicains, » et dans laquelle il inséra sa dépêche au Président d’Haïti et la réponse qu’il