Page:Ardouin - Étude sur l’histoire d’Haïti, tome 9.djvu/177

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

çais. » Boyer n’ayant pas agi avec violence contre les commerçans de cette nation à propos de l’équipée de Samana, et comme eût fait H. Christophe dans une pareille ocurrence, l’ancien Prince du Limbé, fidèle aux traditions de son roi, voyait sans doute dans cette conduite la preuve la plus convaincante de la trahison du Président d’Haïti[1].

Qu’imagina-t-il alors ? Il adressa au vertueux général Magny une lettre supposée écrite par les généraux Gédéon et Lamothe-Aigron, pour lui ouvrir les yeux et le convier à se joindre à eux, afin de renveiser le Président du pouvoir. Romain lui expédia cette lettre par un jeune homme du Nord, nommé Jacques-Pierre Lamotte.[2]. Mais, étonné de recevoir par cet individu une lettre semblable ; indigné de cette trame ourdie contre ses deux collègues, ses deux frères d’armes qu’il savait incapables d’une telle perversité, Magny fit arrêter immédiatement le messager de Romain auquel il fit subir un interrogatoire : ses aveux le convainquirent de ce qu’il présumait ; J.-P. Lamotte dénonça Romain et fut mis en prison. Magny expédia aussitôt un de ses aides de camp auprès du Président d’Haïti, porteur d’une dépêche de lui, de la lettre attribuée aux généraux

  1. Vers le mois de juin, un Français, portant le nom de Daure, était venu au Port-au-Prince, chargé de répandre un écrit signé P.-H.-J. Sévigny, ancien ingénieur, qui traitait, en apparence, des rapports politiques et commerciaux à établir entre la France et Haïti, mais dont les idées et le but étaient de semer la division entre les Haïtiens, par ces éternelles distinctions coloniales entre le noir et le mulâtre. Le Président l’avait fait contraindre à retourner en France. À cette occasion, F. Desrvières-Chanllatte publia, au mois d’août, une réfutation de cet écrit perfide, après en avoir publié un autre, intitulé : Considérations diverses sur Haïti, pour prouver l’aptitude de la République à être reconnue indépendante par la France. Toutes ces circonstances, après l’équipée de Samana, tenaient l’esprit public dans une certaine agitation, au moment où la Chambre des représentans se réunissait, et le général Romain voulait en profiter pour parvenir à son but.
  2. Ce J.-P. Lamotte avait été le sectctaire de Casimir Noël, l’un des conspirateurs des Gonaïves, à la fin de février 1821.