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qu’on le croyait encore à Saint-Marc : le bruit des tambours de la garde à pied et des trompettes de la garde à cheval apprit aux habitans, déjà couchés, que le Président d’Haïti était rendu à son palais. Évidemment, il n’avait pas voulu accepter les ovations qu’on lui préparait. C’était la seconde fois qu’il refusait un accueil public des citoyens de la capitale ; mais du moins, à son retour de la pacification de la Grande-Anse, il avait donné des motifs fondés pour ne pas accepter ces honneurs sous un arc de triomphe. Après avoir reçu si cordialement ceux des citoyens du Cap-Haïtien, c’était faire gratuitement une injure aux citoyens de sa ville natale.

Quelle en était la cause ? Uniquement l’élection des deux représentans qu’il n’agréait pas. Boyer s’en exprima assez à ce sujet, pour qu’on le sut. Mais, s’il était mécontent des électeurs qui avaient voté pour eux, les autres et les familles qui ne prirent aucune part quelconque aux élections, devaient-ils subir aussi l’effet de ce mécontentement ? Et pourquoi cette bouderie impolitique, lorsqu’aucun agent du gouvernement n’avait été chargé, ainsi que cela se pratique ailleurs, de diriger les choix des électeurs ; de leur faire pressentir au moins qu’en élisant tel ou tel citoyen, ils lui déplairaient ? Le corps électoral est-il tenu de deviner les sympathies ou les aversions du chef de l’État ? Si ce dernier suppose qu’il est assez éclairé, assez bien intentionné, pour ne choisir que des représentans dignes de son estime, — de même que le gouvernement se dirige dans le choix des fonctionnaires publics, — les élus doivent être acceptés sans rancune contre les électeurs, comme on accepte tout citoyen nommé à une fonction publique par le gouvernement. En cela, il y a parité de position entre les deux pouvoirs qui nomment. Le gouvernement ne viole pas