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dans une époque rapprochée, et cela par rapport à la différence de langage entre les deux populations. Cependant, c’était un grand moyen d’établir la nationalité haïtienne sur une base solide ; car si la législation faisait une différence entre elles, ce serait en quelque sorte préparer leur séparation. La population de l’Est étant de beaucoup plus faible en nombre, tout devait tendre à se l’assimiler par l’effet des lois et des institutions communes à tout le territoire de la République et présentant des garanties efficaces pour tous les citoyens[1].

À l’égard des articles 38 et 39 de la constitution, on ne doit pas s’étonner de voir que Blanchet persévérait dans les idées exprimées par les articles 27 et 28 de 1806, et les fortifiait même par l’exclusion des métis, placés sur la même ligne que les blancs, dont il est si difficile de les distinguer[2]. L’aete authentique dont il s’agit dans la nouvelle rédaction proposée s’entend « des lettres de naturalisation » délivrées aux blancs qui, en 1804, en les recevant, avaient renoncé effectivement à la France et prêté serment entre les mains de Dessalines, de vivre soumis aux lois d’Haïti, etc.[3]. Par la même raison, et sans qu’il en soit fait mention dans ce projet d’article, « les blancs propriétaires » dans l’Est, qui venaient d’être admis Haïtiens en prêtant serment de fidélité à la République, auraient joui du bénéfice de cet article.

  1. On lit dans la Concorde du 7 avril 1822, nº 14, que, suivant une lettre du secrétaire général Inginac à Colombel, datée de Santo-Domingo, le 5 mars, il y avait 80,000 âmes seulement dans toute la partie de l’Est, d’après les renseignemens reçus des personnes les plus compétentes pour le savoir ; et certes, à cette époque, il y avait plus de 700,000 âmes dans la partie occidentale. Si le langage différait entre les deux populations, leur origine était la même, à peu de chose près, et la connaissance de la langue française pouvait se propager dans l’Est.
  2. Et notez que B. Blanchet avait le teint fort clairet très-rapproché de celui des métis, quoique issu de la race africaine, ainsi que tous les membres de sa famille.
  3. Voyez au tome 6 de cet ouvrage, p. 60.