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attendre en faveur de l’Espagne, il laissa la goëlette anglaise continuer sa route pour débarquer les provisions au bourg de Samana. En même temps, il fit écrire au général Toussaint « que son objet, en venant dans la baie, n’était à d’autre fin que pour offrir une protection aux colons français et à divers habitans espagnols qui l’avaient réclamée du gouverneur de la Martinique, et qui, en raison des changemens survenus dans l’Est, préféraient abandonner son territoire pour se retirer en d’autres lieux. En conséquence, il fit demandera ce général de ne pas s’opposer à leur embarquement ; car il se proposait de sortir de la baie très-incessamment[1]. »

Le général Toussaint ne pouvait désirer mieux que cela, pourvu que les anciens esclaves, devenus citoyens de la République, restassent sur la presqu’île de Samana : ce qu’il fit savoir à l’amiral Jacob par une lettre en réponse à celle qui lui avait été adressée. En conséquence de son adhésion, le 5 mars, 160 colons français ou habitans espagnols s’embarquèrent sur la frégate la Junon qui les transporta à Porto-Rico. Cependant, le colon Clarac réussit à emmener avec sa famille quatre petits enfans noirs ; et le sieur A. Couret, qui le suivit à Porto-Rico avec sa propre mère, emmena aussi un petit enfant noir que cette dame élevait[2].

Le 6 mars, l’amiral Jacob lui-même partit sur le vaisseau le Jean-Bart pour se rendre à Brest ; il avait atteint le terme de sa station dans les Antilles. Le 10, le commandant

  1. Extrait du journal l’Eloile haïtienne, fondé à Santo-Domingo, en février 1822.
  2. Quelques années après, A. Couret vint s’établir à Santo-Domingo, où il fut ensuite employé au bureau de l’enregistrement : de là, il se rendit au Port-au-Prince où il se fixa dans le commerce. Etant natif de l’Ouest, parent du citoyen Gourjon et homme de couleur comme ce dernier, l’indulgence de Boyer à son égard, pour sa conduite à Samana, lui valut une élection, sollicitée par lui, à la charge de représentant ; et dans la Chambre, il se fit membre de l’Opposition contre le gouvernement de Boyer ! Nous aurons occasion de citer ses actes.