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mémoire de Pétion une gratitude qu’il voulait évidemment faire rejaillir sur la République.

Cependant, quoique Boyer eût répondu à Sylva et à Aury, qu’il voulait attendre que les populations de l’Est se prononçassent elles-mêmes en faveur de leur incorporation à la République, il paraît qu’il jugea qu’il était opportun de disposer les esprits à ce mouvement, dans les communes les plus voisines des anciennes limites des ci-devant colonies française et espagnole, où les sentimens de Cyriaco Ramirez étaient le plus partagés, en 1808 et 1809. Car, pendant qu’il était encore dans le Nord, son aide de camp, Désir Dalmassy (Isnardy), chef d’escadron, s’était rendu de là à Hinche, Banica, Las Matas, Saint-Jean et Azua, muni d’un passe-port du Président pour y voyager. Cet officier, d’ailleurs, était depuis longtemps dans l’habitude d’aller dans ces localités, à cause du commerce de bestiaux qu’il y faisait ; il apportait du numéraire ou des marchandises du Port-au-Prince, qu’il donnait aux habitans en échange des bêtes à cornes qu’ils lui vendaient. Estimé d’eux tous et des commandans de ces communes, il paraît qu’il les entretint de la convenance, même de la nécessité de leur réunion à la République, pour empêcher l’établissement d’un autre État dans la partie de l’Est.

Ces paroles furent rapportées au général Sébastien Kindelan, gouverneur pour l’Espagne, qui, plus de deux années auparavant, avait si bien accueilli à Santo-Domingo les envoyés du Président d’Haïti. C’était un vieux militaire plein d’honneur, Irlandais de naissance et au service de l’Espagne depuis longtemps. Dans le moment où d’autres rapports lui étaient parvenus de divers points sur l’agitation des esprits dans cette partie, il pensa qu’il ne pouvait s’abstenir de s’adresser à Boyer, pour lui demander des expli-