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et d’artillerie, deux canons de campagne, des munitions de guerre et quatre cents fusils destinés à l’armement des colons et des indigènes qui se rangeraient autour d’eux. Il avait fallu sept ou huit jours pour ces préparatifs : le 16 février, la flottille quitta Port-Royal et arriva le 19 à l’entrée de la baie de Samana.

L’amiral français pouvait s’entendre dire : Il est trop tard ! En effet, le pavillon haïtien avait déjà remplacé celui de la Colombie depuis environ vingt jours, par la résolution énergique des indigènes de la presqu’île ; la constitution de la République avait été proclamée dans toutes les localités de l’Est ; et la veille, le 18 février, le général de division Toussaint avait pris possession du bourg de Samana avec un corps de troupes venu de Santo-Domingo sous ses ordres. Pour rétablir le drapeau d’Espagne sur la presqu’île, il aurait fallu maintenant livrer bataille aux Haïtiens, prendre sur soi une immense responsabilité ; car alors la France elle-même eût été entraînée à agir contre l’ancienne colonie de son alliée ; ce qu’elle n’avait pas voulu faire contre sa propre ancienne colonie de Saint-Domingue, ainsi que nous l’avons déjà dit.

Peu de jours après le départ de la goëlette l’Utile pour la Martinique, le colon Clarac avait sollicité le commandant Douault d’envoyer une barge de sa frégate au bourg de Samana, afin d’enlever les marchandises qu’il y avait dans son magasin et de les porter à bord du brig français l’Irma, navire marchand de Bordeaux venu là à sa consignation. La barge était armée d’une pièce de canon et montée par cinquante hommes. Aussitôt son arrivée, la population du bourg s’était ameutée. Elle s’opposa à l’enlèvement des marchandises, lit tirer le canon d’alarme pour réunir à elle les autres citoyens de la presqui’île, et Juan Bagu, homme