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sous la protection tutélaire des lois de la République. Ce temps était indiqué par la pacification du Nord. Je reçus des envoyés de la partie de Saint-Yague, de Saint-Jean et même de Santo-Domingo, qui m’assurèrent de leur volonté de jouir des avantages de nos institutions. Mais, afin de ne pas les exposer aux calamités inévitables d’un changement d’état, opéré par la voie des armes, je leur conseillai la patience ; et je me déterminai en dernier lieu à faire une démarche ostensible en faveur du peuple, en faisant savoir mes intentions au brigadier général Pascual Real, et ce que la prudence et l’humanité nous prescrivaient à l’un et l’autre. C’est dans ce but qu’eut lieu la mission dont le colonel Frémont était le chef : à son arrivée à Santo-Domingo, il trouva consommé le changement survenu le 1er décembre dernier.

À peine les actes publiés à Santo-Domingo furent-ils connus, que les mêmes habitans de l’intérieur me les adressèrent, en protestant que, s’ils avaient montré quelque enthousiasme à la nouvelle de ce changement, c’est qu’ils croyaient qu’il était conforme à l’acte constitutionnel, et que l’indivisibilité du gouvernement d’Haïti serait la condition essentielle de cette résolution. Je ne me lassai pas de les exhorter à la modération, et j’espérai, pour me déterminer, le retour de mes envoyés.

Le colonel Frémont arriva et me remit votre dépêche en date du 19 décembre. Je me félicitai de ce qu’il n’y eut pas de sang versé dans l’événement du 1er de ce mois ; je conçus une pleine estime pour tous ceux qui avaient empêché son effusion. Mais je déplorai l’erreur qui a dicté l’organisation d’un gouvernement séparé de celui qui était déjà établi par la loi fondamentale de l’État, et qui se déclarait devoir faire partie de la République de Colombie. Toujours enclin à l’indulgence et à juger les hommes par la pureté de mes principes, j’ai pensé que ceux qui avaient dirigé le changement du 1er décembre, pouvaient s’être trompés dans le choix des moyens, et qu’ils avaient été dominés par des circonstances que j’ignorais ; et je conclus que s’il en était ainsi, ils ne tarderaient pas à revenir de leur erreur, parce que nécessairement, le peuple, plus désabusé, se ferait entendre. Je ne fus pas longtemps à voir se réaliser ma manière de penser, et vous devez savoir que je suis bien informé. Ceux qui ont déclaré qu’ils arboraient le pavillon