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dance m’impose les obligations auxquelles je ne puis déroger sans me rendre coupable, tant envers les populations actuelles qu’envers leur postérité la plus reculée.

C’est donc le moment de se demander : Pourquoi la partie de l’Est n’a-t-elle pas été réunie à la République dès la promulgation de l’acte constitutionnel ? Parce que les nouveaux établissemens ne peuvent arriver à leur point de perfection, sans avoir préalablement passé par la filière des malheurs et des catastrophes, qui occasionnent souvent la destruction de l’entreprise ; et quand il n’en est pas ainsi, il est nécessaire qu’une longue expérience, fruit du temps seul, vienne prêter son concours à l’achèvement de l’œuvre qu’on s’est proposée. C’est ce qui est arrivé dans la République. Son histoire des dix-huit années écoulées, — personne ne l’ignore, — est là pour le prouver : il est inutile de s’étendre à ce sujet.

Les calamités souffertes par notre gouvernement sont ce qui l’a empêché jusqu’ici de songer à la réunion de tout le territoire ; car, si dans son voisinage, la partie orientale gémissait alors sous le poids des préoccupations et des privations, néanmoins elle était tranquille ; et à cette époque, il eût été inhumain de l’exposer aux horreurs de la guerre civile, quand on n’était pas en position de réunir toutes les volontés à un même centre. Les sentimens de générosité furent également ce qui s’opposa à ce que mon prédécesseur excitât ceux qui sollicitèrent des moyens de lui pour secouer le joug de l’ancienne métropole, comme il avait fait en donnant des armes et des munitions à Don Juan Sanches de Ramirès, quand la généralité de ses concitoyens eurent résolu d’expulser ceux qui, par un traité, avaient obtenu la possession du pays. Je déclare qu’étant animé des mêmes sentimens, je me suis conduit de la même manière, en refusant constamment de protéger les divers partis qui m’ont manifesté l’intention d’entreprendre de se soustraire à toute domination étrangère.

Ennemi du désordre et de toute effusion de sang, j’étais décidé à ne jamais donner assistance à aucune portion des citoyens de l’Est, étant convaincu que le temps n’était pas éloigné où je pourrais y opérer une révolution toute morale, qui, en changeant la malheureuse situation où ils se trouvaient, aurait pour résultat de réunir sans choc, sans violence, mes compatriotes de la partie orientale