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Domingo. Cette coustitution imprudente établit des distinctions entre le paysan (paysano ou habitant) et le militaire, entre le pauvre et le riche, entre les différens districts de cette partie, et maintient l’esclavage au mépris des bases fondamentales de toute société politique. Elle n’assure, en outre, aucun dédommagement au pauvre soldat qui essuie de longues fatigues sans paye, et ruine le commerce des malheureux cultivateurs. Enfin, pour ne pas distraire trop longtemps Votre Excellence, nous lui disons qu’un tel acte, conçu dans la vue de faire prospérer quelques particuliers, en sacrifiant des milliers de pères de famille respectables, offre des taches si monstrueuses, que tous les citoyens dévoués à leur pays ont déterminé de recourir à Votre Excellence, pour qu’elle daigne prêter l’oreille à leurs réclamations et se souvenir qu’Elle a promis d’être le pacificaceur et l’ami des habitans de cette partie[1]. Qu’Elle nous accorde les secours nécessaires pour parvenir à l’indépendance, et que la constitution de là République d’Haïti nous régisse désormais ! Nous la désirons avec la liberté générale des esclaves : nous demandons à vivre tous dans l’union et la fraternité. Tel est le but de la députation que nous envoyons à Votre Excellence. Nous espérons qu’Elle aura confiance en nous, et qu’Elle nous secondera dans notre glorieuse entreprise.

Les députés que nous envoyons à Votre Excellence sont les sieurs Juan-Nunez Blanco, Fernando Morel de Santa-Cruz, José Peralto et Jose-Maria Salicedo. Nous ne manquerons pas de tenir Votre Excellence sur les avis, espérant qu’Elle nous accordera tous les secours dont nous aurons besoin, avec la célérité qu’exige une entreprise de si haute importance.

Cet acte fut expédié à Boyer à la fin de décembre, après que le pavillon haïtien eût été arboré à Saint-Yague, et la junte centrale, composée d’un certain nombre de citoyens, qui le signèrent, l’envoya en communication à Puerto-Plata, à la Véga, à Cotuy, à Macoris, en invitant leurs habi-

  1. Dans sa lettre à Kindelan, publiée en espagnol par ce gouverneur. Voyez-là au chapitre 1er de ce volume.