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C’était une grave question que le Sénat soulevait par le sien, justement au temps où la Chambre des communes venait d’en agiter une autre non moins importante, et que l’esprit public était travaillé par des idées qui demandaient l’exclusion des étrangers de l’exercice du commerce. Réviser la constitution dans ce moment, c’eût été donner une libre carrière aux passions déraisonnables, non-seulement à l’égard des étrangers, mais aussi quant à l’organisation du pouvoir politique. Le Président d’Haïti eût couru le risque de voir amoindrir, restreindre ses attributions, alors que, pour la réalisation de l’unité politique par l’unité territoriale, il avait au contraire besoin de toute la latitude que lui donnait la constitution. Boyer n’aurait pas pu, comme Pétion, en faire rédiger une nouvelle pour corriger uniquement les imperfections que contenait celle de 1816 ; il aurait fallu, dans l’état des choses, s’abandonner au jugement des membres de l’assemblée de révision.

Et puis, les allégations du Sénat, fondées sur ce que l’acte fondamental avait été révisé pendant la guerre civile, ne tendaient à rien moins que de dire que : l’Artibonite et le Nord n’ayant pas eu leurs députés à l’assemblée réunie en 1816, la constitution qu’elle avait faite était nulle pour ces deux départemens.

Peut-être faut-il voir dans ce raisonnement spécieux, une infiltration de l’esprit des généraux du Nord qui avaient tenté de résister à sa réunion à la République, dont quelques-uns venaient de conspirer contre ce résultat si avantageux pour sa force, à l’intérieur comme à l’extérieur. Or, d’après l’esprit de la constitution de 1806, votée par les députés des quatre départemens, tous les actes du Sénat avaient considéré ceux de l’Artibonite et du