Page:Ardouin - Étude sur l’histoire d’Haïti, tome 8.djvu/97

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

parvenir au but définitif de sa mission, telle qu’elle apparaît dans la note du 9 novembre, qu’il adressa ensuite à Pétion. Ce dernier seul lui répondit dans le sens de sa réponse à cette note, en date du 12. L’un et l’autre orateur discutèrent à ce sujet, D. Lavaysse s’animant par la confiance que lui inspirait le président qui, toujours modéré mais ferme dans ses convictions, lui opposa la nécessité de l’indépendance d’Haïti pour garantir les droits et l’existence du peuple qui l’habite. Enfin, l’agent français se retira avec le général Boyer à qui il dit, qu’il ne croyait pas trouver, ni autant de lumières, ni autant de modération et de résolution en Pétion. Il sentit que sa mission avait échoué dans cette seule audience ; car il put reconnaître qu’il lui était impossible d’aborder les questions prévues dans les instructions données par le ministre de la marine[1].

Le lendemain, les citoyens de toutes les classes savaient les particularités de la discussion qui avait eu lieu entre le président et l’agent français ; car chacun y était représenté parmi les auditeurs. Ils se reposèrent tous sur le patriotisme éclairé de leur premier magistrat pour défendre leurs droits et ceux du pays.

À la fin de la discussion, il avait invité D. Lavaysse à lui adresser ses propositions par écrit, parce que son intention était de convoquer à la capitale tous les généraux de la République, pour en délibérer avec les membres du

  1. J’ai acquis la conviction que D. Lavaysse a écrit de sa propre main les lignes suivantes, dans un rapport que j’ai lu, adressé au ministre de la marine :

    « Pétion est un homme de beaucoup d’esprit ; il écrit bien. Il professe le républicanisme d’un Washington ou d’un Jefferson, et vit sans faste dans son palais comme dans ses vêtemens. Dans ses rapports avec ses administrés, il est plutôt un père qu’un chef, qui emploie la persuasion pour exercer son autorité : il ne fait rien sans consulter le conseil de la République qu’il gouverne. »