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teurs, de tous les fonctionnaires publics, de tous les généraux et autres officiers supérieurs présens au Port-au-Prince ! Non-seulement eux, mais de simples citoyens s’y trouvaient ; et les soldats de la garde du palais, mêlés avec leurs officiers, étaient aux fenêtres de la salle de réception, ouverte à tous, et pouvaient entendre tout ce qui se dirait entre l’agent de la France et le Président d’Haïti. D. Lavaysse fut déconcerté, et il fit observer au président que ce qu’il avait à lui dire ne comportait pas une telle audience.

Mais Pétion lui répondit qu’il était le chef d’une République, et seulement le premier parmi ses frères, ses égaux ; que leurs intérêts étaient indivisibles, comme leurs devoirs étaient semblables ; que le chef de l’État ne pouvait avoir rien de secret pour ses concitoyens, dans une circonstance où il s’agissait de l’indépendance de leur pays, de leur liberté et de tous les droits conquis par la nation entière. Il ajouta : « Rassurez-vous, Monsieur le général[1] ; vous êtes en présence d’un gouvernement et d’un peuple qui savent ce que leur prescrit le droit des gens, et c’est pourquoi je vous ai invité à venir de la Jamaïque ici. Vous pouvez nous dire tout ce que vous voudrez, tout ce que vous jugerez utile dans le cercle des instructions que vous avez dû recevoir du gouvernement français, dans l’intérêt de votre pays. Parlez sans hésitation et sans craindre de nous offenser. Nous vous écouterons, et je vous répondrai. »

Le négociateur se vit forcé de s’expliquer, non pas dans le sens de ses perverses instructions qu’il avait déjà écartées, mais en employant tous les argumens possibles pour

  1. Cet agent n’était que colonel, mais il avait pris le titre de général, et on le croyait.