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on reconnaît que D. Lavaysse se montrait plus digne d’être le ministre d’une puissance comme la France, que le vieux colon qui les lui dicta[1]. Mais, relativement au Roi d’Haïti, opposé au Roi de France et qualifié simplement de Général et d’Excellence, sa lettre était bien certainement la plus mauvaise recommandation qu’il pût faire de son collègue Franco de Médina[2].

De même que Pétion, Christophe était déjà informé de l’envoi de ces agents, et par des personnes de la Jamaïque et de Curaçao et par Peltier qui, se trouvant en France au moment de leur départ, avait éventé cette mission. C’est ce qui le porta à parler en Roi dans un Manifeste qu’il publia le 18 septembre, commençant par ces mots : « Souverain d’une nation trop longtemps opprimée, etc. »

Ce document, remarquablement rédige, retraça l’historique de toutes les phases des révolutions de Saint-Domingue jusqu’au moment où Haïti se constitua en nationalité distincte par son indépendance, afin de prouver que les Haïtiens ne pouvaient pas rétrograder dans cette carrière parcourue si glorieusement. Il en appela « à tous les souverains de la terre, à ces généreux Anglais qui ont été les premiers à proclamer dans leur sénat l’abo-

  1. D. Lavaysse ayant été membre de la Convention, on a dit même du Comité, de salut public, avait peut-être voté la liberté générale des noirs dans la séance du 4 février 1794. On ne peut donc savoir si, intérieurement, apprenant l’état réel des choses en Haïti, il ne voulut pas donner un avertissement aux Haïtiens, par son aveu sur le but de la réserve relative a la traite des noirs. Dans tous les cas, son langage menaçant envers Christophe et Pétion était plus digne de son pays que s’il se fût présenté à eux en espion. Il faut que l’on sache aussi, qu’arrivé à Kingston, il eut une copie de la circulaire du 23 juillet que Pétion adressa au général Marion, aux Cayes, comme aux autres généraux ; il l’adressa au ministre de la marine par Dravermann ; et en cela, il voulait se justifier d’avoir écarté ses instructions. Il n’a pas dit comment il a pu avoir cette copie.
  2. Cette lettre fut apportée à Christophe par Montorsier, Français qui faisait ses affaires à la Jamaïque. Il fit emprisonner ce malheureux et ordonna de le tuer peu après. Tout l’équipage du navire venant de cette lie fut aussi mis en prison : des imprimés du Cap ont publié ces faits.