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d’Haïti, la réserve stipulée en faveur de la France, de continuer la traite des noirs durant cinq années consécutives, disait assez que cette clause avait pour but de la repeupler d’esclaves, en cas que la France pût la conquérir. Il ne fallait que du bon sens pour comprendre cela, et il n’était pas nécessaire de connaître les articles secrets ou les engagemens pris, soit par la Grande-Bretagne, soit par toutes autres puissances, de laisser à la France toute sa liberté d’action pour tenter de faire rentrer Saint-Domingue sous son obéissance. De plus, la chute de Napoléon laissait en France une armée encore nombreuse, qui fut dévouée à ce grand Capitaine, qui pouvait ne pas reporter ses sympathies sur les Bourbons revenus à la suite des alliés. Et, de même qu’on dit, qu’on crut que le Premier Consul, par l’expédition de 1802, voulut se débarrasser des troupes qui avaient servi sous le général Moreau, de même Pétion était autorisé à penser que les Bourbons seraient satisfaits de se débarrasser aussi des troupes de l’Empire : il en savait assez de la politique européenne, pour croire qu’elle ne se gêne pas plus à l’égard des blancs qu’à l’égard des noirs, quand un sacrifice d’hommes paraît utile.

En conséquence, il fit partir Garbage dans les premiers jours de juillet, avec des instructions dont le but était de parer à une expédition contre Haïti[1]. Elles consistaient à solliciter la médiation du gouvernement britannique, afin d’obtenir du gouvernement français la

  1. Garbage s’embarqua sur la Confiance qui se rendit avec le Dromadaire à Port-Royal de la Jamaïque, afin de se placer sous la protection des navires de guerre anglais qui conduisaient un convoi en Europe. Cet envoyé fut accueilli à Kingston par le duc de Manchester, gouverneur de la Jamaïque. La Grande-Bretagne et les États-Unis étaient en guerre, et ce n’est pas à cause de ces derniers que Pétion prit cette précaution, mais par apport aux navires français.