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voyages, attendu que le pays n’en construisait pas d’une, capacité suffisante ; et les armateurs purent former les équipages, moitié avec des nationaux, moitié avec des marins étrangers, sous le commandement d’un capitaine haïtien. Par ces dispositions, les marins nationaux allaient acquérir la pratique des hautes mers, pour servir le commerce de leur pays dans, ses échanges directs avec les autres peuples.

Il n’y a que l’ignorance, encroûtée de préventions, qui pourrait blâmer les dispositions de cette loi relatives à l’emploi de marins étrangers sur les navires nationaux ; car, sans eux, le pavillon de la République n’aurait pas flotté avec honneur dans les ports des États-Unis et de l’Angleterre, pour y proclamer en quelque sorte l’indépendance et la souveraineté d’Haïti[1]. Employer les Etrangers et rémunérer leurs services, ce n’est pas les admettre aux droits de cité et de propriété que notre pacte social leur refuse encore. Et que de choses cependant les Haïtiens auraient apprises, s’ils avaient réclamé, en temps utile, le concours leurs lumières dans les lettres, dans les sciences, les arts et métiers[2] ! Cette nécessité se fait sentir chaque jour davantage afin d’initier le pays aux idées d’une civilisation désirable ; et c’est ici l’occasion de regretter que le successeur immédiat de Pétion ne soit pas entré résolument dans la voie qu’il avait ouverte à ce sujet, car il semble que la Providence avait réservé à

  1. Pas un marin haïtien n’était capable d’y conduire le Coureur et le Conquérant.
  2. On a vu au Port-au-Prince le bon effet du séjour de quelques ouvriers Allemands qui ont enseigné aux Haïtiens leur métier d’ébéniste : on y fabrique depuis longtemps des meubles en acajou, comme a l’étranger. Des jardiniers Français ont prouvé aussi que des agrémens peuvent être ajoutés à la culture du sol si riche, si fertile d’Haïti. Et les docteurs Stewart, au Cap, Cévest, au Port-au-Prince, n’ont-ils pas enseigné la chirurgie et la médecine a des Haïtiens, avec profit pour le pays ?