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arrangement n’était pas de nature à garantir leur fidélité, lorsque tant d’exemples contagieux les entouraient.

Cependant, le négociant Américain, honnête homme généralement et justement estimé dans le pays qu’il habitait depuis longtemps, eut le bonheur d’être mieux partagé que son confrère l’Anglais. Sa jolie femme fut vertueuse, comme l’avait été sa mère ; car on serait dans l’erreur, si l’on pensait que les mœurs du régime colonial empêchaient ce bon résultat. Sous ce rapport, cet affreux régime n’avait que le tort de faire concevoir qu’il était égal d’être marié ou non ; le plus souvent, il égarait l’intelligence plutôt qu’il ne dépravait le cœur ; et c’était l’effet de ses institutions fondées sur le sot préjugé de couleur. Enfin, l’Américain satisfit au payement de son billet à ordre, à l’époque convenue.

Mais, à ce qu’il paraît, l’Anglais s’étant aperçu, dès le début, des mauvaises dispositions de sa femme, ou peut-être étant gêné dans ses affaires, retardait toujours l’acquittement de son billet. À la fin, il ne le voulut plus, parce qu’il avait acquis la preuve des infidélités dont il était la victime, et que sa femme l’abandonna. Celle-ci ne rougit pas alors de contraindre sa mère à intenter à ce négociant un procès par-devant le tribunal de première instance, en payement du billet qui stipulait la somme due sans en mentionner la cause. Ce tribunal condamna le débiteur à le payer, même par corps, en se fondant sur un article de la loi du 24 août 1808. L’Anglais se pourvut contre le jugement au tribunal d’appel qui maintint bien la condamnation de payer, mais en infirmant la voie de contrainte par corps[1].

  1. La loi du 24 août 1808 établissait la contrainte par corps, « pour billets à ordre consentis