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trépassa en mer. La République perdit en lui l’un de ses fondateurs les plus éminens, et il fut généralement regretté[1].


Quelques jours après son entrée au Cap-Haïtien, le président avait publié une proclamation pour ordonner la restitution au trésor public, des diamans, des joyaux

  1. Lys (Pierre-Charles) naquit au Port-au-Prince le 22 décembre 1775, et mourut le 28 novembre 1820, en vue de Mont-Roui. Envoyé fort jeune en France, il y reçut une brillante instruction qui, jointe au physique le plus agréable, au caractère le plus franc et aux qualités du cœur le plus aimant, le fit estimer généralement de ses concitoyens. Parmi eux, les militaires appréciaient en lui cette bravoure rare, ce courage calme à la guerre, qui le distinguaient, cette bonté inépuisable qu’il avait pour ses inférieurs : ses égaux ne furent jamais envieux des positions qu’il occupa successivement, tant ses relations étaient affables. Lys montra toujours un désintéressement patriotique. Revenu dans le pays au commencement de 1791, il se lia intimement avec Pétion, et devint, à 16 ans, le lieutenant de cette célèbre compagnie d’artillerie dont son ami fut le capitaine. Devenu chef de bataillon de cette arme, Lys commanda la place du Petit-Trou jusqu’en 1800 où il s’expatria avec Rigaud et ses autres officiers ; il ne revint à Haïti qu’après la déclaration de l’indépendance, pour s’attacher de nouveau à Pétion et contribuer avec lui à la fondation de la République. Promu au grade de général de brigade, le 26 juillet 1809, son brevet constata 12 campagnes, 16 actions d’éclat, une blessure à l’attaque du fort du Mirebalais, en 1808. En cette qualité, il commanda les arrondissemens de Jérémie et du Port-au-Prince ; et s’il se laissa entraîner dans l’opposition du Sénat contre Pétion et dans la déplorable scission du Sud, on a vu quelle a été sa brillante et valeureuse conduite dans le siège du Port-au-Prince. Ses dépouilles mortelles furent enterrées au fort National (devenu fort Alexandre) qu’il avait si bien défendu, à côté des entrailles de Pétion. L’élite de la population de la capitale assista à ses obsèques qui furent dignes de ses services.

    Dans sa maladie au Cap-Haïtien, Boyer lui donna les témoignages de la plus vive amitié, de même que Borgella : ses autres compagnons d’armes, les généraux du Nord aussi, le visitaient souvent. Lys s’honora en accueillant sans rancune, J. Chanlatte qui l’avait maltraité dans sa diatribe contre le Sénat. Chanlatte était constamment chez lui ; et, pour se distraire de ses souffrances, Lys lui faisait réciter les plus belles poésies des grands poètes français : ce que Chanlatte entendait à merveille.

    À cette époque, on regretta que Boyer n’eût pas élevé Lys au grade de général de division qu’il méritait par ses longs services et pour avoir puissamment contribué à la pacification de la Grande-Anse. On pensait aussi qu’il aurait dû profiter de la Réunion du Nord pour élever au même grade, les anciens généraux de brigade de la République qui avaient été nommés par Pétion, en même temps que lui, en 1809, avec d’autant plus de convenance, qu’il y avait de nombreux généraux de division parmi ceux de Christophe : six autres de plus dans l’armée n’auraient pas dérangé l’économie militaire du pays, et Marion, Nicolas Louis, B. Leblanc, Lamothe-Aigron, Frédéric et Bergerac Trichet méritaient bien cette récompense, par leurs services et le concours qu’ils donnaient à Boyer depuis plus de deux ans.