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encore son caractère et la haute position qu’il occupait dans son pays, en repoussant les insinuations d’un individu qui vint lui désigner celui qui avait exécuté les ordres barbares de Christophe, à l’égard de son jeune frère Souverain Brun. Il lui répondit : « Mon frère n’a sans doute péri qu’à cause de moi ; mais je ne suis pas venu ici pour venger sa mort. J’ai fait mon devoir comme chef de l’État, en ordonnant l’oubli du passé, et je punirai quiconque trangressera cet ordre. » L’officier désigné fut laissé au commandement qu’il exerçait. Cet exemple de généreuse modération fît comprendre à tous, qu’aucune récrimination ne serait tolérée.

Le gouvernement ne pouvait pas laisser à la citadelle Henry (qui reprit alors le nom de Laferrière, de celui de l’habitation sur laquelle elle fut construite), les sommes importantes qui s’y trouvaient encore après le pillage des généraux ; il fallait les transporter à la trésorerie générale de la République. Le président forma à cet effet une commission chargée de compter ces fonds, en or et en argent, d’en constater le montant par des procès verbaux journaliers de chaque opération, de les envoyer au Cap-Haïtien d’où ils furent expédiés ensuite au Port-au-Prince, sur le garde-côtes la Mouche, à la fin de novembre[1].

Ce navire fut placé sous le commandement spécial de Panayoty, élevé au grade de contre-amiral, pour accompagner en même temps son ami, le général Lys, dont la maladie s’était aggravée à tel point, qu’il demanda au président de l’envoyer mourir au sein de sa famille. Ce brave officier n’eut pas même cette satisfaction ; car il

  1. Dans ses Mémoires, B. Inginac évalue ces fonds à la somme d’environ 1,600,000 gourdes, et ce chiffre paraît être assez exact.