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pacte social. Le long délai mis par le sénat à publier cette loi, prouve que l’un et l’autre pouvoir, qui marchaient en harmonie, firent beaucoup de réflexions avant de trancher les questions qui s’y rattachaient. Et comme nous avons parlé des idées de Pétion sur le mariage et de son éloignement pour ce lien si moral entre l’homme et la femme, nous croyons devoir produire ici son message du 28 avril, afin de bien faire connaître ses motifs.

Citoyens sénateurs,

L’article 39 de la constitution de la République a laissé espérer aux enfans nés hors mariage, que des lois particulières fixeraient leurs droits de famille. Il paraît important que le corps législatif s’occupe le plus tôt possible d’établir ces droits ; car dans un pays qui a besoin de se consolider, chaque citoyen doit trouver dans les statuts organiques la garantie de son état privé, en même temps que des motifs d’émulation, pour se porter vers la sagesse et l’ordre public.

Il a été de tous les temps et de tous les pays, un système bien dangereux à la prospérité des nouveaux États : c’est celui de vouloir faire disparaître tout d’un coup de vieilles habitudes, pour en substituer de nouvelles. Si la loi constitutionnelle était, à l’égard des enfans naturels, prise au pied de la lettre, et que tout tendît à propager le mariage comme une vertu sociale, il en résulterait peut-être quelques motifs de relâchement qui pourraient n’être pas avantageux à la chose publique. Et comme en législation, il convient autant que possible d’éviter des pas rétrogrades, je m’autorise de la responsabilité qui pesé sur moi, pour soumettre à votre considération mes réflexions, et l’obligation de veiller à ce que l’intérêt des citoyens marche de pair avec les liens qui doivent les unir.

Je pense, citoyens sénateurs, que les enfans nés hors mariage, de père et mère haïtiens, ou reconnus comme tels, pourraient être déclarés habiles, à compter de la publication de la constitution du 27 décembre 1806, à hériter des biens de leurs dits père et mère, lorsqu’ils pourront prouver, d’une manière authentique, qu’ils ont été reconnus par eux pour leurs enfans naturels. Cette reconnaissance, pour être valable, doit être faite par-devant l’officier public chargé de constater l’état des citoyens de la commune, ou, à son