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cier le gouvernement de Henry Christophe dont l’absolutisme et la tyrannie surpassèrent ceux de tous ses prédécesseurs. Il faut juger sa conduite dans son administration tant vantée par les Etrangers et certains Haïtiens, tous séduits par l’apparence de la prospérité qu’offrait son royaume et le faste qui entourait sa cour. Il est vrai qu’en général, l’imagination des hommes se laisse facilement éblouir par les grandeurs et les pompes du pouvoir, de la puissance, sans examiner si elles ennoblissent réellement l’autorité des chefs.

Celle qu’exerça Christophe dans le Nord et l’Artibonite, en qualité de Président-Généralissime ou de Roi, ne fut évidemment qu’une longue usurpation de la souveraineté populaire, ou tout au moins une application insensée de théories politiques à l’usage de l’arbitraire qui était dans sa nature personnelle : — insensée, en ce qu’il méconnut le but de la grande révolution commencée dans le pays, dès 1791, par les hommes de la race noire, et poursuivie incessamment dans tous les événemens postérieurs pour y atteindre, — la liberté et l’égalité, et avec ces droits, tous autres aussi essentiels dans tout état social, la propriété, la sûreté, etc. ; — insensée encore, en ce que son égoïsme et son orgueil lui persuadèrent que le despotisme était le meilleur moyen d’assurer son autorité et de la perpétuer. Trop aveuglé par ces passions ou ces sentimens qui le dominaient, qui distinguaient son caractère fastueux, il ne put reconnaître que

    Guerrier arracha sa croix de Saint-Henry et la jeta avec mépris, en disant : « Dès mes jeunes ans, j’ai servi comme militaire sous les drapeaux d’une République : aujourd’hui, je dois rester républicain, comme je l’ai toujours été au fond du cœur. »

    Et l’on remarqua que les généraux Romain et Bazin ne limitèrent point. Guerrier se distinguait, en effet, par ses honorables sentimens : il fut un des quelques généraux auxquels Christophe n’osa jamais donner des coups de bâton.