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d’une montagne, au bord d’un affreux précipice. En y arrivant, ces soldats firent feu sur le groupe de gens qu’ils y trouvèrent, car on était persuadé que Goman ne se laisserait pas prendre vivant. On avait capturé plusieurs de ses femmes dont quelques-unes furent blessées, et elles déclarèrent qu’il était parmi elles dans le moment de la surprise. Or, on vit sur la montagne des traces de sang conduisant au précipice. On crut d’abord qu’étant blessé, Goman avait pu fuir ailleurs ; mais quand quelques mois s’écoulèrent sans qu’on en entendît parler, on pensa qu’il était mort dans le précipice, par ses blessures[1].

Cette idée étant admise assez généralement, le 18 février, une proclamation du Président d’Haïti, datée de Jérémie, annonça au peuple et à l’armée la fin de l’insurrection qui durait depuis le mois de janvier 1807. Elle attribua ce résultat « à l’habileté des généraux, à la persévérance et à la vaillance des officiers et soldats qui furent employés en cette occasion. »

Les troupes et les citoyens du Sud, en effet, eurent la gloire d’avoir puissamment secondé le chef de l’État à donner la paix à leur département. La proclamation leur dit en outre :

« Militaires employés dans la Grande Anse, et vous, gardes nationales volontaires ! J’éprouve une satisfaction bien douce en vous félicitant aujourd’hui !… La patrie est reconnaissante de vos services ; elle ne les

  1. D’autres suppositions fuient faites à cette époque. Ainsi, on prétendit que Goman s’était rendu sur l’habitation de l’adjudant-général Gilles Bénech, aux Chardonnières, où il se livra à cet ancien camarade pour obtenir sa grâce du Président d’Haïti ; et que le président, avisé de cela par Gilles Bénech, envoya chez lui un détachement qui exécuta Goman secrètement. Mais Goman était un chef de rebelles, que le président pouvait légalement faire mettre à mort : pourquoi aurait-il environné cet événement de mystère ? Quelle crainte pouvait-il avoir à ce sujet ? Les gouvernemens ne peuvent jamais se flatter d’échapper à la calomnie, en Haïti peut-être plus que dans tout autre pays.