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l’unique parrain et fit incorporer dans sa garde les plus valides : les autres hommes, les femmes et les jeunes filles furent confiés aux principales familles de la ville pour en prendre soin, et il y eut peu de mortalité parmi eux[1].

Un autre Africain civilisé, marié à une Européenne, arriva aussi au Port-au-Prince, le 30 juin, parmi les passagers d’un navire français sorti du Havre : il se nommait Félix Darfour, et venait spontanément habiter la République. Présenté au président par M. J. Ardouin, armateur du navire, qui revenait lui-même dans son pays natal après 46 ans d’absence, Darfour en fut gracieusement accueilli. Il n’avait pas les moyens de payer son passage et celui de sa femme ; néanmoins, l’armateur les avait reçus et nourris à bord du navire durant une traversée de trois mois. Le président ayant appris ces particularités, fit indemniser M. J. Ardouin de ses dépenses, en le complimentant sur ses procédés généreux. Darfour n’avait non plus aucun moyen d’existence à son arrivée ; mais sachant lire et écrire, il profita des bonnes dispositions du président envers lui, pour obtenir l’autorisation de publier un journal à l’imprimerie du gouvernement, la seule qui existât alors au Port-au-Prince. Non-seulement le président ordonna que ce travail s’y fît gratuitement, mais pour assister Darfour encore plus, il lui fit donner du magasin de l’État le papier nécessaire à la publication du journal qui paraissait tous les quinze jours, et il y prit douze abonnemens pour une année qu’il paya de sa

  1. La plupart de ces Africains des deux sexes eurent une excellente conduite dans leur nouvelle patrie ; ils se montrèrent reconnaissans des soins qu’on prit d’eux, devinrent industrieux et acquirent de petites propriétés par la suite. Voilà le résultat de la différence entre la Liberté et l’Esclavage : à Cuba, ils n’eussent été que des infortunés courbés sous la verge de fer des colons qui les auraient achetés ; à Haïti, ils devinrent des personnes utiles à la société.