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défauts du caractère de Boyer. Avec l’esprit le plus prompt à concevoir un projet judicieux, le désir le plus vif de le mettre à exécution, il lui arrivait souvent de ne pas le poursuivre jusqu’au bout, comme s’il se rebutait par le moindre obstacle qu’il rencontrait ensuite, ou qu’il ne faisait qu’entrevoir.

Peut-être fut-ce à raison de cette observation qu’on avait, faite sur son caractère, et de l’ardeur qu’on le voyait mettre à vouloir opérer beaucoup de choses par lui-même, que dans le mois qui suivit son avènement à la présidence, Milscent, se faisant l’organe du public, osait, dans son journal, l’engager à s’entourerd’une sorte de conseil-d’Etat, qu’il formerait en choisissant des fonctionnaires et des citoyens, « pour l’aider à gouverner la République[1]. » Ce journaliste espérait, sans doute que Boyer serait porté à exécuter ce qui aurait été jugé utile, par lui et ce conseil ad-hoc. Mais, quelque fût son motif, Milscent s’adressait au chef le moins disposé à croire qu’il avait besoin d’être aidé dans le gouvernement de l’Etat, ni qu’il lui fallût déférer aux avis d’autres hommes, à moins qu’ils ne pénétrassent sa pensée intime. La forme même que Milscent prit pour l’engagera cela, — la publicité, — était la moins propre à faire agréer son idée.

Sans nul doute, il ne convenait pas que le chef de l’Etat parût être sous l’influence de qui que ce soit ; car il y a toujours un grand inconvénient, un danger même pour la chose publique dans une telle situation. D’un autre côté, le président Boyer était trop éclairé pour n’avoir incessamment besoin de conseils pour gouverner son pays ; il a prouvé par des faits et par des actes nombreux

  1. Abeille haïtienne du 16 mai.