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visible à tous les yeux[1]. Avec tous ces avantages, Boyer possédait des lumières et des qualités essentielles à tout chef de gouvernement : rien ne s’opposait donc à ce qu’il se crût tout le mérite nécessaire pour le devenir.

On a dit à cette époque, que sachant les opinions qui lui étaient contraires, tant parmi les troupes que parmi les citoyens et même des sénateurs, Boyer gagna celles de Panayoty, de Bayard, etc., et surtout du général Gédéon, pour obtenir son élection à la présidence, après leur avoir représenté l’extrême danger qu’il y aurait pour la République, de retarder la nomination du successeur de Pétion.

Certainement, en présence de la guerre civile et du partage d’opinions dont il s’agit, il était urgent que cette nomination se fît le plus tôt possible. Dans une République dominée par le régime militaire, on doit toujours agir ainsi.

Dans la soirée du 30 mars, les sénateurs Panayoty, Bayard et d’autres de leurs collègues, requirent donc leur président Larose de convoquer le Sénat à bref délai, pour procéder à l’élection du Président d’Haïti. En vain Larose leur fit observer qu’ils avaient consenti à ajourner cette élection, et que les restes de Pétion, encore exposés sur le lit de parade, semblaient protéger la République, puisqu’aucun trouble ne se manifestait nulle part : il dut céder à leur désir ; mais il prit la résolution de se démettre de sa fonction de président du Sénat. Arrivé au palais de ce corps, il y persista d’autant plus, que le général Gédéon, devançant toute délibération,

  1. Depuis 1816, à cause de son état maladif, Pétion ne passait presque plus l’inspection des troupes de la garnison de la capitale : c’était le général Boyer qu’elles voyaient en action.