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Examinons s’il y a quelque chose de fondé dans cette opinion, qui tend à dire que Pétion n’eût pu continuer l’exercice de son pouvoir sans y mettre une sévérité qui répugnait à ses sentimens et à sa modération habituelle.

Il nous semble que l’on doit reconnaître, que la mission providentielle que Pétion avait reçue, par rapport à son pays, fut essentiellement politique, afin de fixer la forme sociale qui lui convenait et que le peuple cherchait depuis 1791. On peut dire aussi qu’il était doué d’un caractère et des qualités qu’exigeaient, et sa mission et son époque.

Devenu chef de parti en 1802, après la déportation de Rigaud, il fit des avances à Dessalines, également chef de parti après celle de Toussaint, afin de s’insurger contre les Français, de leur résister, et de proclamer l’indépendance d’Haïti de la France et de toutes autres puissances. S’effaçant par abnégation patriotique, il se soumit à l’autorité de son concurrent pour pouvoir constituer l’unité haïtienne ; mais il dut ensuite concourir au renversement de son despotisme, dans le but d’assurer les droits du peuple. Lorsque H. Christophe se fit le champion de ce despotisme abattu, Pétion dut lui résister par les mêmes motifs. Reprenant alors son rôle de chef de parti, il institua le régime républicain, afin de garantir surtout l’égalité civile et politique, objet des vœux de l’universalité de ses concitoyens, et particulièrement des masses qui se préoccupaient moins de la liberté politique, puisqu’elles jouissaient sous ce régime de leur liberté naturelle et civile. Il consacra l’égalité dans les lois, et par le partage et la vente des biens du domaine public en faveur de tous les citoyens, pour asseoir la félicité générale sur le bien-être individuel. Mais alors, il jeta aussi les seules bases possibles