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en le voyant sortir de l’état d’esclavage et parvenir au suprême pouvoir par ses talens, et en exploitant les circonstances de son époque. Mais il a terni ses grandes qualités par les vices de son caractère, et surtout par ses crimes nombreux. Il a laissé une mémoire honnie parmi les hommes de sa race, parce que, serviteur encore docile des colons dans sa haute position, il a sacrifié beaucoup de ceux qui étaient les plus éclairés pour les venger et se venger lui-même, et qu’il a tenu les autres sous un joug plus oppresseur que celui qui pesait sur eux dans l’ancien régime. En reconstituant ce régime, il a été certainement conséquent aux idées et aux vues qu’il eut au début de sa carrière ; mais il a prouvé par cela même que son génie n’avait pas la véritable intelligence de la situation créée dans son pays par la révolution. Aussi a-t-il échoué dans sa coupable entreprise, malgré le concours qu’il reçut des colons et la haute protection du gouvernement français ; car il ne put reconnaître qu’ils ne le secondaient que pour faire de lui un instrument de réaction.

Le génie de Pétion, qui a eu tout à faire par lui-même en dépit de l’opposition qu’il rencontra dans son parti politique, de la part des plus capables de ses collaborateurs, et malgré la guerre civile qui déchirait le sein de sa patrie, son génie a commandé une admiration qui s’est soutenue de son vivant, et qui a augmenté depuis sa mort. Et pourquoi son génie est-il admiré ? Parce que ses grandes qualités n’ont été ternies par aucun vice ; que la noblesse de son âme, les vertus de son cœur bienfaisant, ont inspiré le respect même de ses ennemis ; qu’il a été le fondateur d’institutions dont l’influence a produit, après sa mort, tous les résultats qu’il s’était pro-