Page:Ardouin - Étude sur l’histoire d’Haïti, tome 8.djvu/346

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

nion, les émigrés contre-révolutionnaires, et partant la France réactionnaire. Le régime affreux qu’il établit après la guerre civile du Sud justifie ce que nous disons de lui. Mais ce fut aussi recueil sur lequel il devait faire naufrage dans sa plus grande prospérité.

Pétion, en restant fidèle au drapeau révolutionnaire, fit loyalement la guerre aux Anglais dans le rang inférieur où il se trouvait, et il se fit remarquer de ses chefs par ses talens et son courage : ce fut son seul titre à son avancement dans la carrière militaire ; aucune action de sa part ne trahit un vice en lui. Quand il déserta ensuite l’armée de Toussaint pour passer dans le camp de Rigaud, il ne changea pas de drapeau : au contraire, il rejoignit ses amis dans le parti politique qui ambitionnait de conquérir l’avenir de son pays et de la race noire ; il fut fidèle aux principes libéraux que la métropole avait proclamés. Dans la guerre civile, aucun fait, aucun crime ne souilla sa conduite : aussi y conquit-il, l’épée à la main, une position militaire remarquable, et le droit de conduire plus tard son parti politique aux destinées brillantes qui lui étaient réservées. Vaincu, il s’enfuit en France avec son chef et revint dans le pays avec lui, pour aider au renversement de Toussaint, devenu un instrument usé et dédaigné, à la destruction de son odieuse tyrannie. Mais, en coopérant ainsi à l’œuvre de la métropole, entendait-il être un de ses partisans aveugles ? Il prouva le contraire, aussitôt la déportation de Rigaud et de Toussaint, en faisant des avances à Dessalines pour secouer le joug de la France, venger noblement ces deux chefs, par l’indépendance absolue de leur pays ; car leurs rôles politiques passaient naturellement en la personne de leurs lieutenans. L’indépendance, c’était la consécra-