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Williamson, Laporte, etc., on vit ces hommes honorables, pleurant comme tous les assistans, hésiter un instant à porter leurs instrumens sur ce corps inanimé d’un chef qu’ils vénéraient. On eût dit qu’ils craignaient de commettre une impiété[1].

Le cœur fut mis dans une urne en argent ; et destiné à être gardé par sa famille ; les entrailles, dans une boîte en plomb, pour recevoir leur inhumation au fort National, tandis que le corps, placé dans un double cercueil en plomb et en acajou, serait déposé dans un caveau construit sur la place d’armes.

Le grand salon de réception du palais fut disposé en chapelle ardente, où le corps embaumé fut placé sur un lit de parade. Un char fut préparé pour le recevoir dans une sorte de cercueil ouvert, le porter à l’église, et rester ainsi pendant la cérémonie religieuse, et jusqu’au moment de le mettre dans le double cercueil : quatre chevaux noirs, caparaçonnés de deuil, traînèrent ce char également revêtu de deuil et portant des inscriptions en lettres d’or autour de son chapiteau. On y lisait : Alexandre PÉTION, Président d’Haïti, né le 2 avril 1770, Fondateur de la République, — Il n’a jamais fait couler les larmes de personne. [2]

Pendant les journées des 29 et 30 mars et les nuits correspondantes, le palais était constamment rempli de personnes de tous états et de tous rangs, qui venaient

  1. Laporte était un de ces Français venus de Cuba au Môle, en 1809, et qui acquit la qualité d’Haïtien en soignant les blessés de l’armée de Lamarre. L’opération des médecins se lit en présence des présidens et secrétaires du Sénat et de la Chambre des représentai, des Grands fonctionnaires, etc.
  2. Ces mots élogieux avaient été écrits dans l’Adresse du Sénat, du 1er juillet 1807. Depuis la mort de Pétion, on a dit : Il ne fit couler des larmes qu’à sa mort. Ce fut Chéri Archer qui orna ce char avec un goût particulier.