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palais, il fit résistance avec énergie, en vociférant des paroles injurieuses contre Pétion. On supposa alors qu’il était venu à cette heure, dans une intention hostile, avec le projet perfide de l’assassiner ; et il fut conduit ou plutôt traîné violemment en prison, où il fut mis aux fers.

La connaissance de ce fait, amplifié, occasionna l’émotion dont nous venons de parler. Mais Pétion ayant su le lendemain matin, que c’était Colomb qui en était l’auteur, dit aux personnes qui se rendirent au palais, que c’était une erreur de penser que ce vieux soldat eût voulu attenter à sa vie, et il le fit mettre en liberté. Cependant, on jugea que Colomb, ayant contracté l’habitude des liqueurs fortes, il ne convenait pas qu’il fût encore le chef d’une compagnie, et il fut renvoyé du 15e régiment[1].

Ce trait de bonté de Pétion, guidé par le ressouvenir des services que ce brave officier avait rendus à la patrie et à la liberté, sous ses ordres, prédispose en quelque sorte aux regrets que doit faire éprouver le pénible événement qu’il nous faut relater.

Dès le mois de novembre 1816, avons-nous dit, Pétion avait fait une maladie dont les suites duraient en avril 1817, lorsqu’il fallait installer la chambre des représentans : ce qui a été constaté dans une lettre des commissaires français et dans l’adresse de cette chambre au peuple ; et nous avons encore cité un article de l’Abeille haïtienne, qui a parlé d’une nouvelle et grave maladie

  1. Rendu à la raison, après son emprisonnement, Colomb fut si peiné d’avoir manqué de respect à Pétion, et si honteux d’être renvoyé de son corps, qu’il prit dès lors la résolution de ne plus boire des liqueurs fortes. Il vint voir Borgella, son ancien colonel, qui lui fit de vifs reproches sur sa conduite ; et ce vieux brave pleura comme un enfant, en ma présence : il vécut longtemps après, retiré sur son don national qu’il cultivait dans la commune de Cavaillon.